1ères Rencontres des vins issus de vignes franches de pied

16 et 17 janvier 2020 à Podensac, en Bordelais

Jacky Rigaux

Si les vignes franches de pied sont aujourd’hui minoritaires, elles sont revenues dans la lumière grâce à des vignerons convaincus qu’elles restituent plus fidèlement le message du lieu dans le vin qui en naît. Charles Joguet est sans doute le premier vigneron visionnaire engagé dans cette voie. C’est lui qui a inspiré Didier Dagueneau, lequel a pu ainsi s’engager la même année dans la plantation, côte à côte, dans un grand terroir, d’une vigne franche de pied et d’une vigne greffée : Pouilly-Fumé Astéroïde et Pouilly Fumé Pur-Sang. François Chidaine l’a fait un peu plus tard sur Montlouis, Philippe Charlopin sur Marsannay, Anne-Claude Leflaive sur Puligny-Montrachet… Des vignerons s’avisèrent qu’il existait encore des vignes franches de pied sur leur vignoble, comme Alexandre Chartogne à Mervy, en Champagne. Récemment, Thibault Liger-Belair, en rachetant un vignoble sur Moulin à Vent, découvre une vigne franche de pied pré-phylloxérique. Le vieux propriétaire qui lui vendait son domaine ne pensait pas la mettre dans la corbeille, mais Thibault fut enthousiasmé par son acquisition !

Chaque amateur de vin sait que le vignoble de la Romanée-Conti, considéré comme enfantant le vin emblématique de la Bourgogne, est resté franc de pied jusqu’en 1945. Sur ces sols bruns calcaires, très argileux, d’une soixantaine de centimètres d’épaisseur, le phylloxéra était bien évidemment très actif, et il devenait excessivement difficile de le contenir. Ce n’est bien sûr pas un hasard qu’il y ait eu cet acharnement thérapeutique pour sauver la vigne française franche de pied en ce haut-lieu viticole. Tout amateur qui a pu apprécier la Romanée-Conti d’avant 1945, peut témoigner de la grande finesse et de la complexité de ce vin, comme de son incroyable capacité à défier le temps.

S’étant engagé dans la quête du goût retrouvé du vin de Bordeaux d’avant la replantation sur vignes greffées après l’épisode dramatique du phylloxéra, en replantant tout son vignoble franc de pied, il était naturel que Loïc Pasquet initie « Les Premières Rencontres des Vins issues de Vignes Franches de Pied », appelées tout simplement « Premières Rencontres des Francs ».

La vigne européenne est calcicole

Dans les sols riches en calcaire actif, les racines des porte-greffes américains ont du mal à s’enfoncer et restent plus superficielles. Peu de calcaires en Amérique, alors les vignes américaines (Riparia, Berlandieri, Labrusca, Vitis rupestris, etc.) ne sont pas calcicoles. Elles acceptent une certaine dose de calcaire, mais elles ne sont pas naturellement adaptées au calcaire. L’espèce Berlandieri a été retenue pour les sols calcaires, mais comme elle se greffe mal, on a créé des hybrides avec le Rupestris (11OR, 14OR, 1103P), la Riparia (SO4, 5C, 420A) et Vinifera (FerCal). Les racines de Rupestris sont plus plongeantes que celles de Riparia. Berlandieri résiste mieux à la sécheresse.

Ces porte-greffes s’adaptent mieux en terroirs volcaniques et cristallins, mais ils restent cependant des filtres. De surcroît, plantés sur des sols défoncés et/ou dans des sols en désherbage total, leurs racines ont du mal à s’enfoncer ! Des travaux préalables avec concassage de la roche ne permettent pas une bonne installation du système racinaire de la jeune vigne, mais rendent facile la pose des piquets ! On pensait cependant que le concassage facilite la pénétration racinaire. Associés au désherbage, ces pratiques amènent, pour la première fois dans l’histoire de la viticulture, les vignerons à arracher leurs vignes au bout de 20 à 30 ans. Cependant, plantées avant ces excès de la viticulture chimique, les vignes plantées sur porte-greffe peuvent vivre au-delà de 50 ans.

Si ces constats ne dérangent pas une viticulture mondiale centrée sur l’expression du cépage (des vins technologiques de cépage et de marque), ils doivent interroger toutes les viticultures de terroir du monde, viticultures, certes, très minoritaires aujourd’hui. Ce sont cependant ces viticultures de terroir qui nous intéressent aujourd’hui.

Une recherche sur les Francs de pied à initier

Sous l’impulsion de consultants contestant ces pratiques agronomiques productivistes, comme Claude Bourguignon, Yves Hérody ou Philippe Massenot, l’utilisation, avant plantation, de plantes (4 à 5 différentes) capables de produire plus de 10 milliards de kilomètres de racines à l’hectare, a été préconisée. Par ailleurs nématicides, ces plantes restructurent les sols et luttent contre les nématodes en deux ans de culture. Sur des sols biologiquement restructurés la croissance racinaire des jeunes vignes atteint 1cm/jour avec une relance de l’activité biologique du sol.

Quand la solution du greffage de la vigne européenne sur porte-greffes américains a permis la reconstitution des vignobles, le traumatisme inscrit dans la mémoire vigneronne a favorisé l’abandon de toute recherche sur les Francs de pied. On a oublié que Vitis vinifera, la vigne européenne, est calcicole. Elle se plait dans les sols calcaires. 7 % seulement des roches du monde sont calcaires. Elles sont essentiellement présentes sur le bassin méditerranéen, et c’est sur les sols calcaires que s’est développée la civilisation chrétienne du vin[1]. C’est sur eux également que sont nés les plus grands vins rouges de la planète. Comme aime à dire Claude Bourguignon : « Remettre nos vignes sur Franc de pied, c’est en quelque sorte les remettre dans leur écologie de départ ».

Claude Bernard a découvert que le terrain est aussi important que le microbe. Il est absurde de vouloir résoudre le problème du Franc de pied en cherchant à éradiquer le phylloxéra, comme de lutter contre la flavescence en voulant exterminer les cicadelles. Il faut accepter de cohabiter avec un parasite que l’on contrôle. Une piste à explorer : comme le phylloxéra ne vit que sur les 20-30 premiers centimètres du sol et pique essentiellement les petites racines, il est possible de favoriser un enracinement rapide par des pratique viticoles appropriées.

Une autre piste est à explorer : rechercher tous les endroits propices à la vigne où le phylloxéra ne peut s’implanter. C’est le cas des terroirs sableux ou sablo-graveleux, où l’insecte ne peut creuser sa galerie puisqu’elle s’effondre automatiquement en l’asphyxiant ! De tels endroits existent un peu partout en France, en Europe et dans le monde. La vigne franche de pied ne craint pas le phylloxéra dans des sols avec moins de 5% d’argile, des sols composés de graves et de sables. Ces sols, bien évidemment, ne se trouvent pas toujours sur des hauts-lieux viticoles.

Organiser pour la première fois une rencontre internationale rassemblant des viticulteurs qui ont planté côte à côte des vignes greffées et des vignes franches de pied, est une belle initiative que nous devons à Loïc Pasquet, dont le vin, Liber Pater 2015, est la première version issue totalement de vignes franches de pied plantées dans un des plus hauts-lieux viticole du Bordelais, dans les Graves[2].

Pour apprécier le message du lieu[3] délivré par le vin, lors de ces premières « Rencontres des Francs », nous dégusterons à la manière du gourmet, c’est-à-dire en appréciant le message du lieu essentiellement par la bouche : toucher de bouche, qualité de la salivation et ressenti de l’énergie.

De l’analyse sensorielle à la dégustation géo-sensorielle[4]

Pourquoi l’olfaction est-elle devenue le sens majeur de l’exercice particulier qu’est celui de l’œnologue comme celui du sommelier ? Comme l’a écrit Emile Peynaud dans Le Goût du Vin, « ce qui sépare la simple consommation, qui est un acte instinctif, de la dégustation, qui est un acte réfléchi et volontaire, c’est que dans le second cas on suit une méthode, on ordonne ses impressions. » Tout au long du XIXe siècle, et jusque dans les années 1960, ce sont les caractères tactiles du vin qui priment pour leur appréciation. Emile Peynaud, lui-même, à la fin des années 1940, décrit les vins fins et leur relation à leur constitution chimique, avec des caractères tactiles. Il parle de leur souplesse, de leur moelleux, de la flexibilité de leur consistance, de leur vinosité, de leur dimension corsée, un vin « droit de goût » qui « remplit la bouche ». Le changement de référentiel, qui consacre le primat de l’olfaction, date donc des années 1960, avec Jules Chauvet et les ingénieurs de l’INAO, sous l’impulsion d’André Vedel, Paul Charney et Jules Tourmeau[5].

Ainsi, de nos jours ce sont les méthodes de l’analyse et de l’évaluation sensorielles qui dominent. En matière de dégustation, la tendance scientifique moderne a tout simplement supprimé la mention « géo » pour inventer l’analyse sensorielle. On est également passé de l’intérêt pour l’origine, très difficile à apprécier, à la centration sur la typicité, plus facile à définir[6]. Bien plus aisé, en effet, de définir un type plutôt qu’une origine. Selon les principes de disjonction et de simplification des sciences contemporaines, on s’est alors employé à décortiquer les arômes, en affirmant, avec Jules Chauvet, que l’olfaction est « 20 000 fois supérieure au goût », ce qui a pour conséquence qu’elle doit avoir la place essentielle pour apprécier des vins. Se trouvait ainsi mis sur orbite ce qui deviendra, dans la deuxième moitié du XXe siècle, le rituel de tout dégustateur, professionnel ou amateur : humer sans rotations, puis humer avec rotations, avant de porter le vin en bouche.

La focalisation sur la dimension olfactive du vin, initiée en France à la fin des années 1960, bénéficiera par la suite de la découverte des récepteurs olfactifs dans les années 1990 par Richard Axel et Linda Buck qui se virent décerner le Prix Nobel de Médecine en 2004. Pour reconnaître les nombreux composés aromatiques du vin, environ 1000 molécules odorantes identifiées à ce jour, nous disposons d’environ 400 récepteurs olfactifs différents. De récentes études suggèrent que nos 400 récepteurs pourraient nous permettre de distinguer mille milliards d’odeurs[7].

Nul doute, donc, que le système olfactif soit très efficace et qu’il occupe la première place en matière de capacité de discrimination. Cependant, il effectue une synthèse globale d’un mélange d’odeurs plutôt qu’il analyse chaque composé séparément. Les différents composés peuvent interagir au niveau de chaque récepteur et modifier leurs propriétés de détection. Par ailleurs, une fois l’information olfactive traitée, elle est transmise dans le cortex olfactif qui constitue le centre de la mémoire et de la représentation olfactive. Des travaux récents montrent, qu’à ce niveau, la représentation d’une odeur est propre à chacun et dépend de l’expérience olfactive singulière. Personne ne sent donc la même chose ! « La particularité de l’odorat est qu’il dispose d’un accès privilégié au siège des émotions (système limbique) puisque seulement deux étapes (ou deux synapses en langage neurobiologique) séparent notre cavité nasale de notre système limbique, alors que l’on compte 4 à 6 relais synaptiques pour les autres voies sensorielles. De par ce lien intime, non seulement la mémoire olfactive est très robuste, mais surtout l’odorat possède un pouvoir évocateur très puissant. Il est capable d’éveiller et de réactiver notre stock d’expériences individuelles passées et de donner une résonnance intérieure, comme l’a si bien écrit Marcel Proust dans son livre : A la recherche du temps perdu »[8].

Apprécier le vin de terroir par la dégustation géo-sensorielle

En dégustant à la manière du gourmet, le cerveau sera sollicité par les trois sens présents dans la bouche, le sens physique tactile[9], le sens chimique gustatif et le sens chimique olfactif (rétro-olfaction). Il travaillera ainsi à plein régime pour une lecture du vin beaucoup plus précise que celle donnée par l’analyse sensorielle.

Le sens du toucher est particulièrement important pour lire le message du lieu, « le murmure du terroir ». « Le cri du cépage » est beaucoup plus facile à percevoir, car il se livre avec l’exubérance de ses arômes, peu différente d’un lieu à l’autre. Qu’il soit californien, bourguignon ou bordelais, le « nez de cépage » s’impose. Si on se gosse du moine qui goûtait la terre, selon la légende, pour trouver les bons endroits pour y planter la vigne, on oublie que le vin est aussi fait pour nous toucher. Le sens du toucher est dans nos mains, dans nos pieds et dans notre bouche[10]. En cette dernière il s’y niche pour 20 à 30 % de son potentiel, selon les individus, comme les neurosciences l’ont mis en évidence.[11] Reste à l’entraîner, comme on entraîne le nez dans les formations de parfumeurs, d’œnologue ou de sommeliers.

Entré en bouche, le vin sollicite aussi le sens chimique du goût. Plus on est en présence d’un grand vin de terroir, plus la salivation sera activée, plus les sensations gustatives seront complexes. On ne s’attardera pas sur l’acidité, la sucrosité, l’astringence, mais sur l’équilibre plus ou moins évident de ces sensations. On préfèrera la notion de vivacité à celle d’acidité, parce qu’un grand terroir a la capacité de générer en bouche une belle sensation de vivacité sans que la dimension d’acidité soit particulièrement importante.[12] La centration sur la qualité de la salivation aura plus d’importance que la recherche de la sucrosité. Bref, ce qui importe pour la lecture du message du lieu, c’est l’architecture d’ensemble des saveurs, plutôt que leur énumération. Une approche holistique du vin plutôt qu’analytique.

Quant à la rétro-olfaction, elle révèlera la plus ou moins grande élégance des parfums que tout grand vin de terroir dévoile. La dimension olfactive du vin de terroir n’est donc pas ignorée, ni même minorée. Elle est une composante essentielle de tout vin, elle participe au bouquet[13] et concourt à la dimension esthétique de tout grand vin[14]. Exquise sensation de réglisse en Chambertin et en Tâche, délicate évocation de framboise en Richebourg, de rose rouge en Musigny, d’églantine en Mazis-Chambertin, de violette en Clos de la Roche, de myrtille en Bonnes Mares, inimitable parfum de rose en Romanée-Conti

Cette approche de la dégustation géo-sensorielle, qui considère que le lieu se découvre essentiellement par la bouche, décuple de surcroît le plaisir généré par le vin. En effet, si on se focalise d’emblée sur la dimension aromatique du vin, son premier nez, son deuxième nez, son troisième nez, le cerveau sera en recherche de la confirmation de ce qui est perçu en olfaction directe, une fois le vin mis en bouche. Le sens olfactif, particulièrement bien développé chez l’être humain, sera le sens majeur de la jouissance bacchique. Si on commence par la bouche, on sollicite trois sens. Le cerveau fonctionne à plein régime et se décuple ainsi la jouissance du dégustateur.

Si, de nos jours, nous dégustons avec le verre, ce dernier peut être un excellent outil d’approfondissement de la dégustation[15]. Il peut être aussi un instrument de simplification en privilégiant la vue et l’odorat, sens qui favorisent l’apparence. On peut alors facilement se laisser tromper par les apports artificiels d’arômes de boisé, réalisés par l’adjonction de copeaux de chênes, des « staves »[16] qui tapissent les cuves, ou d’arômes divers dus à tous les artifices œnologiques de l’industrie agro-alimentaires du vin.

Fiche simplifiée de dégustation géo-sensorielle

Le message du lieu s’apprécie essentiellement en bouche.

La dimension aromatique pour lire le terroir n’est vraiment probante que quand le vin arrive à maturité et que l’on parle alors de bouquet.

En se centrant sur 4 qualités essentielles d’un vin de terroir, on notera tout simplement lequel des deux vins provoque en bouche :

  • La SALIVATION la plus active, la plus agréable, la plus accueillante

Vin N°…

  • La TEXTURE la plus fine, la plus délicate, celle qui fait ressentir le mieux la flexibilité de la consistance

Vin N°…

  • L’ENERGIE la plus évidente, la plus intense…

Vin N°…

  • La SAPIDITE la plus évidente

Vin N°…


[1] Les sols calcaires ne sont pas les seuls à tapisser les hauts-lieux viticoles. Il existe d’excellents sols viticoles issus de roches mères volcaniques et granitiques.

[2] J. Rigaux et J. Rosen, Le goût retrouvé du vin de Bordeaux, Actes sud, 2018.

Corbeyran et Horne, Liber Pater, Le goût du vin retrouvé, Glénat, 2019. (En français et en anglais).

[3] Il existe deux catégories de vins, les vins qui délivrent le message de leur lieu de naissance, « des vins qui ont la gueule de l’endroit » selon la belle parole de Jacques Puisais, et les vins issus de la construction d’un goût, des vins pour la fabrication desquelles la main de l’homme est supérieure à l’intérêt pour la singularité du lieu.

[4] Extrait du livre de J Rigaux (avec une contribution d’A de Villaine), Le climat, le vigneron et le gourmet, Terre en Vues, 2019. (En français et en anglais).

[5] J. Rigaux, La dégustation géo-sensorielle, Terre en Vues, 3e édition 2018, p. 19-25. (En français, italien et anglais). O. Jacquet, Historique et état des lieux des appellations en France de leur naissance à nos jours, in Les appellations viticoles : leur histoire, leur avenir, livre collectif sous la direction de Patrick Arnaud, Michel Blanc et Marie-Claude Pichery, Terre en Vues, 2019, p. 35-51.

[6] P. Baudouin, AOC : originalité ou typicité ? in Revue des Œnologues, N° 108, Juillet 2003.

[7] C. Bushdid et al., Humans can discriminate more than 1 trillion olfactory stimuli, in Science, 343 : 1370-1372.

[8] G. Lepousez, Le cerveau face à l’esthétique des grands vins, in Grands vins du XXIe siècle, Cap sur les terroirs ? sous la direction de J. Rigaux et M. C. Pichery, Terre en vues, 2017, p. 73.

[9] Des travaux récents ont mis en évidence que nous pouvons avoir jusqu’à 30 % du sens du toucher en bouche. Notre bouche a ainsi des compétences comparables à celle de notre main pour toucher aliments et liquides entrés en elle !

[10] « Etrange sensation que celle de ce grand vin, quand on le savoure savamment, amoureusement, à gorgées dosées que la langue roule et balance de sa souple étreinte et que le palais médite. La bouche y prend moins le contact d’un fuyant liquide que celui d’une subtile fermeté d’une sorte de fluide relief. Et l’amateur de s’extasier, de s’émouvoir, de mordre à cette mâche, de palper ce « corps », de caresser cette sensuelle souplesse ! » (Gaston Roupnel).

[11] G. Lepousez, Le cerveau face à l’esthétique des grands vins, in Grands vins du XIXe siècle, cap sur les terroirs ? Terre en Vues, 2017, pp. 71-77.

[12] La dégustation des Clos 2003 de Vincent Dauvissat est édifiante. Peu d’acidité cette année-là, et pas d’acidification comme c’est la règle pour le vigneron, mais le terroir est si fort que la sensation de vivacité-minéralité reste évidente. La vigne a su trouver ce qu’il lui fallait d’eau dans les infractuosités de la roche mère. C’est aussi pour cela qu’il ne faut pas casser la roche mère quand on replante la vigne dans un véritable terroir viticole.

[13] Comme nous l’a rappelé Jacques Puisais, la dimension olfactive du vin n’est vraiment intéressante que quand le vin a atteint sa maturité, puis son apogée. On parle alors de bouquet du vin et on ne cherche plus à isoler chacun de ses composants odorifères !

[14] La notion de maturité des grands vins de lieu a eu tendance à disparaître. Comme l’écrit Michel Le Gris [14], caviste en vins matures à Strasbourg : « Quand je sillonnais la Bourgogne à la fin des années 1970, je pouvais encore y acquérir des millésimes 1964, 1966 ou 1969, parvenus à maturité ou presque, et personne n’avait encore propagé l’idée que le Bourgogne immature, « sur le fruit », était préférable au Bourgogne mature. […] Mettre entre 40 et 80 € pour avaler du fruit de cépage ou des arômes de barrique, voilà bien qui témoigne de l’inculture gustative régnant aujourd’hui en certains lieux ».

[15] Henri Jayer a convaincu Jean-Pierre Lagneau à inventer le verre géo-sensorielle. Mission accomplie dix ans après après la disparition d’Henri en 2006 : Le verre parfait, approche de la dégustation, Michel Lafon, 2016.

[16] Planches de chêne, brûlées selon le goût recherché, qui tapissent les parois des cuves, ou qui trempent directement dans la cuve.